Douane et e-commerce : la fin des passe-droits pour les colis à bas coût

Le 2 mai 2025 marque un tournant dans les échanges internationaux : les États-Unis ont mis fin à l’exemption douanière dite « de minimis » pour les colis d’une valeur inférieure à 800 dollars en provenance de Chine. Cette décision, loin d’être anodine, rebat les cartes d’un e-commerce mondialisé, où vitesse et volume ont trop souvent pris le pas sur équité et conformité réglementaire.

Depuis plusieurs années, des plateformes comme Temu ou Shein ont construit leur modèle sur cet avantage douanier, expédiant des millions de colis directement aux consommateurs américains et européens sans acquitter les droits de douane traditionnels. Résultat : une distorsion de concurrence flagrante avec les acteurs locaux, soumis à des contraintes fiscales, sociales et environnementales bien plus strictes.

La fin de cette exonération côté américain, couplée à des surtaxes pouvant atteindre 145 %, vise à rééquilibrer le jeu. Mais elle pourrait aussi entraîner un effet domino vers l’Europe. Déjà, la France envisage d’instaurer dès 2026 des « frais de gestion » sur les colis extracommunautaires, en attendant une éventuelle réforme européenne du seuil d’exonération de 150 euros prévue pour 2028. Pour nombre d’acteurs du tissu commercial français, c’est trop peu, trop tard.

La menace est claire : si les États-Unis ferment leur marché, ces flux pourraient se rediriger massivement vers l’UE, déjà première destination des envois chinois bon marché. En 2024, plus de 4,6 milliards de colis de moins de 150 euros ont franchi les frontières européennes, dont plus de 90 % en provenance directe de Chine. Sans réaction rapide et coordonnée, le risque est double : fragilisation du commerce de proximité et perte de contrôle sur les normes sanitaires, sécuritaires ou éthiques des produits importés.

Il est temps de dépasser le simple cadre fiscal pour penser en termes de souveraineté commerciale. Une taxe forfaitaire dissuasive sur les colis hors UE, un abaissement du seuil de minimis, et surtout un renforcement des contrôles douaniers réels sont des leviers concrets à activer. Si la France agit seule, l’effet sera limité. L’urgence est à une réponse européenne harmonisée, à la hauteur des enjeux.

Le commerce digital ne peut plus être un espace hors sol. Aujourd’hui, l’Europe doit choisir : subir ou s’adapter.