La guerre commerciale qui redessine nos façons de consommer

Depuis l’investiture de Donald Trump pour un second mandat en janvier 2025, les États-Unis font face à un phénomène progressif mais structurant : une perte d’attractivité sur la scène internationale, tant sur le plan touristique que commercial. Ce désengagement est particulièrement marqué chez les consommateurs et voyageurs étrangers, qui semblent désormais privilégier d’autres destinations, et d’autres marques, en réaction au climat politique et symbolique qui entoure la nouvelle administration.

Les premiers signaux sont visibles dans les chiffres du tourisme. Selon le World Travel & Tourism Council, les dépenses touristiques internationales vers les États-Unis ont chuté de 7 % en 2025, soit près de 12,5 milliards de dollars de pertes pour le pays. Tourism Economics évoque une baisse de plus de 8 % des arrivées étrangères, avec des reculs significatifs depuis le Canada (-17 %), l’Allemagne (-28 %) et la France (-6,6 %). Il s’agit d’une exception à l’échelle mondiale : les États-Unis sont le seul grand pays à enregistrer un tel recul, alors que le tourisme mondial est en nette reprise.

Dans le même temps, l’Europe attire les flux délaissés par l’Amérique. Les dépenses touristiques y ont progressé de 11 % en 2025, dopées notamment par l’attractivité renouvelée de la France, de l’Italie et de l’Espagne.

Plusieurs facteurs expliquent cette réorientation, la stabilité réglementaire, la sécurité perçue, mais aussi un accueil plus favorable aux voyageurs internationaux. Paris et Rome figurent ainsi parmi les cinq destinations les plus réservées au printemps 2025, reléguant New York et Los Angeles à des niveaux historiquement bas.

Au-delà du tourisme, c’est la consommation quotidienne qui se politise. Dans plusieurs pays européens, des boycotts implicites visent des marques américaines perçues comme des symboles de l’influence culturelle américaine.

Au Danemark, le groupe Carlsberg a observé une baisse de la demande pour Coca-Cola, pourtant produit localement. Ce phénomène, largement spontané, s’appuie sur une volonté croissante d’aligner ses achats avec ses convictions. On s’aperçoit qu’éviter un produit américain devient, pour certains, un acte de cohérence idéologique.

Dans les pays musulmans, ce rejet est accentué par le soutien inconditionnel affiché par Washington à Israël dans le contexte du conflit à Gaza. Les marques américaines de grande consommation, notamment dans l’agroalimentaire, subissent des baisses brutales de parts de marché au profit de concurrents locaux. Le boycott s’inscrit ici dans un cadre politique, mais aussi émotionnel et identitaire.

Du côté américain, l’administration reste relativement silencieuse sur cette tendance. Aucune campagne de reconquête de l’image des États-Unis à l’étranger n’a été annoncée à ce jour. Pourtant, certains analystes s’inquiètent des effets à moyen terme, baisse des investissements touristiques, désaffection pour les produits culturels américains, fragilisation de marques historiques sur des marchés stratégiques. Plusieurs entreprises, notamment dans les secteurs du luxe abordable et de la tech, commencent à adapter discrètement leur communication pour se déconnecter de toute image nationale.

Face à cette mutation, les grandes destinations européennes redoublent d’efforts pour capitaliser sur ce nouveau rapport de force.

La France, en particulier, a renforcé sa présence sur les marchés asiatiques et moyen-orientaux, misant sur une offre culturelle forte, une politique de visas plus fluide, et une diplomatie plus neutre. Le positionnement « premium, ouvert et fiable » devient un avantage concurrentiel dans ce climat de fragmentation géopolitique.

La tendance actuelle montre que la consommation et le tourisme sont devenus des actes symboliques. Ils traduisent une perception du monde, une adhésion ou un rejet. Le climat créé par la présidence Trump pousse certains publics étrangers à chercher ailleurs des expériences, des produits et des valeurs plus proches de leurs aspirations. Dans ce contexte, les entreprises et les gouvernements devront faire preuve d’adaptabilité et de lucidité pour conserver ou reconquérir la confiance des consommateurs mondiaux.