L'INDUSTRIALISATION DE L'EUROPE DE L'EST PEUT-ELLE APPORTER UNE RÉGIONALISATION DE L'ÉCONOMIE EUROPÉENNE?

À l’heure du retour de la guerre en Europe, des pénuries et de l’explosion du cours des matières premières, le concept d’autonomie stratégique est sur toutes les lèvres. Depuis quelques décennies déjà, la mondialisation a internationalisé la production des entreprises et nombre d’entre elles quittent chaque année leur pays d’origine, au prix d’efforts logistiques impressionnants, au bénéfice d’économies drastiques.

Oui, mais voilà, le facteur risque, de plus en plus prépondérant face à l’instabilité géopolitique actuelle, remet en question les bénéfices de la délocalisation. Si l’Europe de l’Est pourrait bien être le théâtre d’une relocalisation européenne massive, c’est aussi que la sous-traitance en Asie ne présente plus les mêmes avantages qu’auparavant.

À l’éloignement culturel et géographique desquels découlent des difficultés logistiques, s’ajoutent une forte variation du taux de change euro/dollars et une hausse du coût de la main d’œuvre. En Chine, par exemple, les salaires du secteur manufacturier sont désormais équivalents à ceux du Portugal.

À l’inverse, si le coût de la main d’œuvre reste relativement élevé en Europe de l’Est, la région jouit d’une forte culture industrielle parfois héritée de l’Union soviétique, de fonds européens consacrés à la modernisation des infrastructures, de cadres techniques de mieux en mieux formés et permet de promouvoir un « Made in Europe » gage de qualité dans l’imaginaire collectif. La relocalisation sur le continent a également l’énorme avantage de réduire drastiquement l’incertitude liée au transport, de réduire les circuits de commandement et, plus important encore, d’assurer une apparente indépendance industrielle européenne réclamée par les populations.

Bien qu’un pays ne puisse au 21ᵉ siècle s’affranchir de dépendances à l’étranger, il est aujourd’hui important pour les États d’assurer leurs arrières face aux bouleversements géopolitiques fréquents qui touchent le monde. La Chine l’a d’ailleurs bien compris, en témoigne le plan « Made in China 2025 », lancé en 2015, et qui prône une autosuffisance technologique et industrielle.

La mondialisation n’est pas en phase de régression, mais de modification profonde, qui tend vers une régionalisation des économies. L’Europe de l’Est semble ainsi aujourd’hui offrir à l’UE la perspective de voir son industrie lui revenir. Reste à savoir si cette relocalisation sera marginale ou totale.